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Fiche de lecture : « L’invention du brevet, une idée de génie ? « Un voyage dans le passé pour comprendre le brevet d’aujourd’hui et de demain ». Par Pascal Attali
Après le brûlot anti brevet de Boldrin et Levin « the case against patents » de 2013, on attendait une réponse argumentée et convaincante. Elle est enfin venue en 2022 par la publication par Amazon du livre de Pascal Attali, professionnel de la propriété industrielle et des brevets d’invention, préfacé par Pascal Faure, directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI),et postfacé par Yann Ménière, économiste en chef de l’Office européen des brevets (OEB). Accompagné par une bibliographie, ce livre est aussi disponible en langue anglaise, sous le titre « Once upon a time, the patent ».
Ce que nous avons apprécié dans ce livre c’est à la fois son caractère complet, n’éludant aucune des questions difficiles auxquelles est confronté le système des brevets, mais aussi son exceptionnel confort de lecture. Chaque segment ne prend pas plus de dix minutes à lire, et il permet donc soit aux passionnés de le lire tout d’une traite (c’est mon cas), soit de le déguster à petites doses, comme un très bon cognac.
Le livre est séparé en deux parties, une partie relative à l’histoire du système des brevets et une partie moderne comprenant une discussion sur l’état actuel du système des brevets et les défis qu’il doit surmonter.
La partie historique est bien documentée et rendue attrayante par le recours à des personnages semi fictifs (par exemple le maître verrier de Venise qui finit assassiné pour avoir révélé son secret à Colbert), afin d’illustrer les étapes importantes du développement du droit des brevets, ce qui en rend la lecture agréable et facile à appréhender…
En imaginant les pensées et conversations entourant des événements qui dépeignent les circonstances dans lesquelles les droits de brevet ont vu le jour, tout en fournissant ensuite un une discussion plus détaillée des éléments importants abordés dans chaque segment, l’auteur permet au lecteur de comprendre comment les différents problèmes ont réellement eu un impact sur les inventeurs et les autres personnes intéressées dans ces scénarios, en plus d’une discussion plus académique des problèmes eux-mêmes.
On voit la patte du maître didacticien, qui enseigne à la IP Academy de l’INPI depuis plusieurs années ! C’est assez rare parmi les parutions sur les brevets, pour devoir être souligné.
Dans cette partie historique, on apprend que l’attaque la plus sévère contre le système des brevets est venue à la fin du 19e en Hollande. En effet, ce pays, sous l’influence des idées libérales de l’époque, avait supprimé le système des brevets. Boldrin et Levin écrivent que c’est de cette suppression qu’est née la société Phillips à Eindhoven. Elle avait pu copier sans être inquiétée les ampoules électriques inventées par Thomas Edison !.
La deuxième section est tout aussi bien documentée et tout aussi intéressante. Elle pose la question de la légitimité du droit des brevet dans la société d’aujourd’hui, le délicat équilibre entre les différentes parties prenantes dans le processus global de brevet et ses implications.
Les brevets sont-ils le meilleur outil pour encourager l’innovation ? L’auteur n’élude aucun des défis qu’il voit poindre à l’horizon. Parmi ceux-ci, et en particulier la multiplication du nombre des brevets ou encore « le brevet face à la pandémie ». On trouve même une section consacrée aux Blockchains et à l’intelligence artificielle (p.253 et s.).
Ce livre, a été élu meilleur livre en brevets en 2022 par le blog IPKat.
Et la postface indique : « ce livre offre aux lecteurs un tout d’horizon clair et érudit de l’univers des brevets. A ce titre, il suscitera l’intérêt tant spécialistes de la PI des brevets que des profanes soucieux de mieux comprendre les brevets et les débats qu’ils peuvent susciter »,
On ne saurait mieux dire !
Fiche de lecture : Patent Wars par Thomas F. Cotter « How patents impact our daily lives »
Bertrand DENIEUL, administrateur ASPI, continue sa lecture commentée des ouvrages portant sur les Brevets. Voici un nouveau livre dont l’auteur américain nous a été recommandé par Me Pierre Véron. Bertrand l’a lu pour nous et relate les positions du Pr Thomas F Cotter, éminent spécialiste en propriété intellectuelle, exerçant à l’université de droit du Minnesota.
Pourquoi lire ce livre maintenant ? Les Etats Unis, notamment avec leur 700G$ d’incitations à l’investissements dans les nouvelles technologies, ont pris la tête de la technologie mondiale. C’est le moment de s’intéresser à la vision américaine du système des brevets car c’est là que ça se passe, plus qu’en Europe. Ce livre aborde tous les sujets liés à la Propriété Industrielle et ne laisse de côté aucun des débats qui l’agite. C’est même une encyclopédie très instruite de ce qu’il faut savoir et ce livre retiendra donc l’attention d’un grand nombre de lecteurs, des plus novices aux plus avisés.
Thomas Cotter part de l’idée que, pour un esprit bien fait comme le sien, il n’y a pas de sujet si complexe qu’il ne puisse être laissé inexpliqué. C’est ce qu’il fait pour les brevets à travers ce livre, avec clarté et exhaustivité, et toutes les bonnes recettes de l’Amérique qu’on aime, l’ouverture d’esprit et la rationalité y sont donc réunies, pour le plus grand plaisir du lecteur. L’équivalent français le plus proche, serait Jamie Gourmaud de « c’est pas sorcier », et on y retrouve aussi le ton bonhomme.
Alors ce livre est bien sûr tourné sur l’univers américain des brevets, et toute la jurisprudence qu’un esprit européen curieux doit connaître sur le sujet des guerres de brevets y est rendu ainsi accessible au lecteur pour peu qu’il s’ y applique, et c’est vrai qu’il faut parfois s’y reprendre à deux fois, tant le texte est dense (cf p. 65 sur les gênes) . L’instruction ça se mérite !
Il est vrai que le nombre de litiges liés aux brevets a été multiplié par cinq de 1991 à 2015 aux Etats Unis et que les « Trolls », entités qui ne mettent pas en œuvre eux-mêmes leurs brevets, (comme la désormais célèbre société « Intellectual Ventures » présidée par Lowell Wood), mais engagent des litiges pour contrefaçon des brevets qu’ils détiennent, représentent 40 à 60% de ces litiges. Leur montant global est supérieur à 80 G$ par an, ce qui a coûté 29 G$ à l’économie américaine en 2011. A noter que 40 % de ces litiges étaient soumis en 2015 à une obscure juridiction du district oriental du Texas, plus favorable aux intérêts des détenteurs de brevet… On respire en apprenant que depuis 2017, l’Etat du Delaware est désormais prédominant comme choix de forum.
Le livre est divisé en neuf chapitres et contient un résumé succinct à la fin des principaux chapitres. Les deux premiers portent classiquement sur ce qu’est un brevet, les conditions que l’inventeur doit satisfaire pour l’obtenir, ce qu’un brevet permet ou défend à un inventeur de faire.
L’auteur insiste sur la justification du système des brevets, tant sur les plans philosophiques que de la théorie économique, tout en insistant sur le fait qu’il est très difficile de déterminer le point d’équilibre entre les coûts sociaux du système des brevets et les avantages qu’il procure à la société. Toujours pratique, Thomas Cotter montre aux novices comment lire un brevet avec des exemples parlants.
Les chapitres trois à cinq portent chacun sur un objet de controverse actuel, comme la brevetabilité du Vivant, avec une analyse détaillée de la décision de la Cour Suprême dans l’arrêt Myriad (04/2013) sur la brevetabilité des gènes humains. La Cour a décidé que l’ADN, même s’il est isolé en dehors du corps humain, est un produit de la nature non susceptible d’être breveté. En effet, contrairement aux européens qui ont tenté de définir, dans les article 52.2 et 53 EPC, ce qui est brevetable dans tous les domaines de la technologie, les lois et les cours américaines n’ont pas défini précisément les variétés d’inventions qui ne relèvent pas de la brevetabilité.
Puis, l’auteur s’intéresse aux conséquences de l’arrêt Mayo (Mars 2012) sur les diagnostics médicaux, dont l’impact sera plus important que celui de Myriad sur ce qui est brevetable ou pas en matière de « lois de la Nature », avant d’aborder la question des logiciels et des « Business Methods ».
Le chapitre 6 aborde la question hautement sensible de la situation du système de santé aux Etats Unis et du coût des médicaments, qui fait de ce pays celui où les coûts d’accès aux médicaments sont le plus onéreux au monde et les abus les plus inacceptables. Qu’on en juge, en 2014, Turing Pharmaceuticals acquiert les droits de commercialisation du Daraprim (médicament contre la toxoplasmose dont le coût de fabrication est de 66 cents par pilule) et augmente immédiatement son prix de 13,5$ à 750$ par pilule !
Alors que la justification du système des brevets apparaît particulièrement évidente pour les médicaments, la multiplication des pandémies et le coût élevé de l’accès aux médicaments brevetés ainsi que le frein aux génériques mis en place par les Etats Unis, impacte scandaleusement les plus faibles. L’auteur n’y va pas par quatre chemins pour critiquer le système actuel.
Le chapitre 7 fait l’historique, dans une lumineuse synthèse, des développements du système des brevets depuis la convention de Paris de 1883 sur les brevets , améliorée par la mise en place du système Patent Cooperation Treaty en 1970. Puis l’auteur montre comment la dynamique de la mondialisation impacte le système des brevets, en partant de la base des système d’échanges globaux mis en place aux accords de Bretton Woods (1944), puis les accords GATT, et en particulier l’Uruguay Round qui a mené à la création de l’Organisation Mondiale du Commerce.
Il a fallu attendre 112 ans, avec la mise en place des accords ADPIC en 1995, pour que l’on fasse enfin le lien entre développement du commerce et système des brevets, et F. Cotter aborde la question des licences obligatoires au profit des pays en voie de développement, notamment dans le domaine de la santé.
Les deux derniers chapitres s’intéressent, après avoir abordé la question des Trolls, aux Smartphones (saviez-vous qu’un smartphone d’Apple contient 250.000 brevets (technical and design patents) ?) et aux brevets essentiels à une norme (Standard Essential Patents), ainsi qu’aux termes FRAND (Fair, Reasonable and Non Discriminatory).
CONCLUSION
Avec l’arrivée de l’Intelligence Artificielle, le rôle des brevets fait l’objet d’une attention accrue et de nombreux débats sur l’évolution nécessaire du système des brevets pour s’adapter à ces changements et tirer profit des opportunités en matière d’innovation ont lieu partout dans le monde.
Ce livre permet de mieux comprendre comment les brevets façonnent le paysage de l’innovation et ses implications pour la société. Il s’adresse à ceux qui pensent avoir une opinion tranchée sur le sujet pour les inviter à réviser leurs convictions. « Garder un esprit ouvert, dénué d’a priori et regarder les preuves ».